L'homme segmentaire : la métamérie cutanée

On rencontre chez tous les vertébrés, à un stade donné du développement embryonnaire, des formations mésodermiques disposées à la suite les unes des autres, que l'on désigne sous le nom de métamères ou de segments primordiaux.
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Les secteurs métamériques cutanés

Chaque tranche cutanée est en relation avec une émergence vertébrale

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On les envisage comme une représentation phylogénique de la structure du corps des invertébrés et en particulier des annelés.
La segmentation de l'embryon remonte aux premières phases de son développement .
Vers le 15ème jour (environ 2mm) apparaissent les premières protovertèbres (futures cervicales) et vers le 25ème jour (environ 5mm) elles seront au nombre de 35.
C'est à partir de ce stade que des cellules vont se détacher de la crête neurale pour former deux cordons parallèles.
L'un donnera les plexus ou ganglions pré viscéraux, l'autre formera la chaîne latéro-vertébrale des ganglions spinaux. C'est vers la fin du 3ème mois que sera effective la segmentation des masses ganglionnaires, répondant exactement à celle des paires rachidiennes dont elles dérivent. Cet aspect en "chapelet" va se transformer à certains endroits en "cosse de haricot" intégrant plusieurs "grains" pour former les masses des ganglions stellaire, thoracique et lombaire.

Le système sympathique est l'élément fondamental du système nerveux :

  • "Il est le plus ancien dans l'ordre ontogénique, comme dans l'ordre phylogénétique ; son entrée en fonction est antérieure à celle du système cérébro-spinal : le plexus viscéral précède le cerveau." (Guy Lazorthes)

Le ganglion spinal

Maintenant voyons le rôle d'un ganglion latéro-vertébral.
Il présente un intérêt capital en régissant les trois entités neurologiques que sont :

  • le myotome (muscles)
  • le viscérotome (viscères)
  • le dermatome (peau)
  • qui dépendent tous trois d'un même segment médullaire ou myélomère.

Que l'on ne s'y trompe pas, ceci contient l'explication de la réflexothérapie cutanée sous ses diverses formes.

Il est de ce fait évident que des interactions vont exister entre peau, viscères et muscles dans un même segment métamérique.

Mais laissons parler Guy Lazorthes :

  • "L'atteinte d'un viscère peut se traduire par une douleur rapportée qui se projette dans le territoire cutané pariétal, appelé dermatome, correspondant au segment médullaire ou myélomère auquel aboutissent les voies sensitives du viscère".

L'illustration la plus fameuse est le point de Mac Burney qui est la projection d'un appendice enflammé.
Point douloureux situé aux deux tiers supérieurs d'une ligne unissant l'épine antéro-supérieure de l'épine iliaque droite à l'ombilic et qui correspond à un rameau perforant antérieur du 12ème nerf intercostal.
Ceci est une définition admise, mais des questions restent posées concernant ce point. En effet, dans mes recherches, j'ai découvert que ce point n'était pas le seul à traduire une pathologie viscérale projetée en surface, il en existe de nombreux autres.

Ce point est lui même sujet à caution puisqu'il peut être présent alors que l'appendice est enlevé ; un point douloureux, identique dans son principe de localisation peut aussi être présent de l'autre côté et parfois conjointement au Mac Burney !

Que signifient-ils dans ces cas ?

L'expérience m'a démontré qu'il correspondait à une souffrance de l'étage articulaire D12/L1 et pour preuve, la levée d'une restriction de mobilité articulaire de cet étage fait disparaître immédiatement.

Alors, des questions se posent :

  • le point de Mac Burney est-il la projection cutanée signalant un appendice enflammé ou est-il la projection d'une information nociceptive articulaire
  • cette information nociceptive pourrait-elle être perçue par le système central comme provenant de l'appendice
  • cette information projetée pourrait-elle déclencher une réaction inflammatoire de défense au niveau de l'appendice.

Ceci pourrait peut être expliquer pourquoi chez l'enfant, l'appendice se révèle parfois normal à l'opération alors que tous les signes cliniques qui l'ont justifiée étaient présents : nausées, Mac Burney et test de Blomberg (confidences d'un ami chirurgien).

L'expérience qui permettrait d'apporter les réponses à ces questions serait de vérifier la présence d'une restriction de mobilité articulaire D12/L1 chez un sujet présentant tous les signes d'inflammation de l'appendice, puis de lever cette restriction et voir ce que deviennent inflammation et symptômes !

Ce raisonnement m'a permis de découvrir l'existence d'autres points réflexes traduisant des pathologies viscérales diverses (en relation intime avec des informations nociceptives articulaires).
Ils sont présents avant même l'apparition des symptômes de la pathologie, et de ce fait, ils pourraient fournir une méthode diagnostique à la portée de tous les praticiens. Nous allons en citer quelques uns sans les localiser avec précision (ceci étant réservé aux praticiens qui m'en feraient la demande) mais en les situant métamériquement.
Un postulat établi cliniquement sert de départ : le Mac Burney est situé dans le 12ème métamère thoracique.

Ils sont présents dans :

  • le 1er métamère thoracique (MT) pour toutes les pathologies du système immunitaire
  • dans le 2ème MT problèmes pulmonaires, hypersécrétions du nez ou des yeux
  • dans le 3ème MT, problèmes pulmonaires avec hypersécrétions
  • dans le 4ème MT, problèmes cardiaques ou pulmonaires
  • dans le 5ème et 6ème MT, problèmes d'estomac et surtout d'anxiété
  • dans les 8 et 9ème métamère, pour les pathologies du foie, de la vésicule (du côté droit), de la rate et du pancréas (du côté gauche)
  • à la jonction du 12ème MT et du premier métamère sacré, pour des problèmes ovariens.

A signaler que la combinaison de certains points particuliers est systématiquement présente dans certaines formes de pathologies.
Nous retrouvons ainsi les allergies du nez et des yeux dans la combinaison 1MT et 2MT et certaine forme d'asthme. Les bronchites asthmatiformes dans la combinaison 1MT et 3MT. Les formes d'eczéma avec la principale combinaison 1MT et 8MT droite (foie) alors que les formes de psoriasis ont la combinaison 1MT et 8MT gauche (pancréas).

La localisation métamérique des pathologies cutanées est toujours associée à des étages vertébraux qui sont à la source d'informations articulaires nociceptives projetées sur ces territoires. Voir cet article "Pathologies immunitaires : les zones cibles"

A ce sujet je rappelle que :

  • l'origine fondamentale d'une réaction pathologique, dans un territoire précis, ne peut avoir qu'une cause située sur le trajet qui le relie au système central.

A noter que :

  • ces divers points douloureux disparaissent dans les quelques jours ou semaines qui suivent une levée des restrictions de mobilité articulaire des étages correspondants, ainsi que les symptômes de la pathologie associée.

Ce à condition qu'elle ne soit pas dégénérative et/ou irréversible, pour exemple "le diabète chez l'adulte" (voir à ce sujet l'article "l'information fantôme" Vous N°19).
Ces points existent bel et bien et tout clinicien qui en a reçu connaissance peut en avoir la confirmation dans sa pratique quotidienne.

Certains objecteront que la segmentation métamérique est floue, de par le fait que les segments se recouvrent mutuellement à l'image des tuiles d'un toit et que l'on peut difficilement attribuer tel ou tel secteur cutané à un métamère précis.

Citons Guy Lazorthes à ce sujet :

  • "la topographie radiculaire de déficit (Scherrington, Forster) a permis de mettre en évidence le territoire propre par la section de la racine directe. La section des racines supérieures et inférieures a également permis de mettre en évidence le territoire maximum mais la topographie radiculaire d'excitation est plus exacte".

Le recouvrement d'un territoire métamérique par celui qui le suit et celui qui le précède est logique car il permet la survie de ce territoire en cas de déficit de la fibre directe. Lorsque ceci se produit, seule une petite zone subit une hypoesthésie.

Nous pourrions considérer les ganglions spinaux comme des "mini cerveaux métamériques" synchronisés par des connections médullaires, sans pour autant impliquer le système central par une foule de détails qu'ils peuvent gérer directement. Ce sont bien des mini cerveaux inversés car ils contiennent des neurones "intermédiaires" (en T dont les cylindraxes se dirigent vers la moelle épinière et les dendrites vers les terminaisons nerveuses diverses) qui gèrent et modulent les informations entre les neurones médullaires et les terminaisons cutanées, musculaires ou viscérales. Nous pourrions envisager qu'ils détiennent, en association avec les noyaux médullaires, la "somatotopie viscérale" absente du système central. Centralisant les informations, les modulant, les sélectionnant et n'échangeant que ce qui est nécessaire avec le système central.

Les ganglions sont opérationnels, chez l'embryon, avant même la mise en fonction du système central, en même temps que se forment les premiers viscères. Mais d'autres questions sont soulevées : cette association entre les ganglions, réalisée par les connections médullaires, ne contiendrait-elle pas les informations nécessaires à la réalisation d'un viscère, tant dans sa forme, son volume et sa fonction. J'avais évoqué, dans un précédent article, l'hypothèse de la neurosignature qui recueillerait les informations somatiques sous la forme d'une image qui serait comparée à la neuromatrice cérébrale qui "contiendrait dès la naissance l'image, la forme et le volume de l'adulte à devenir" (Vous n°19). La neuromatrice viscérale se trouverait-elle dans les ganglions spinaux ?

Des décisions sont donc prises à ce niveau médullo-ganglionnaire et c'est également à ce niveau que des erreurs peuvent être engendrées : informations projetées, conscientes ou inconscientes (douleur de l'infarctus, projection cutanée d'une information viscérale, projection cutanée, viscérale ou musculaire d'une information articulaire). Ces erreurs d'interprétations vont être à la base de réactions du système central et des mécanismes de défense qui vont entraîner des pathologies qui ne peuvent trouver d'explication que dans cette logique de raisonnement.

Cela ira plus loin encore, en entraînant des pathologies du comportement (voir article "neuroimmunopsychologie" Vous n°25) qui semblent avoir une relation privilégiée avec certains territoires métamériques et certains viscères.

Cette association est parfaitement mise en évidence lorsqu'on examine la distribution des points d'acupuncture, non pas selon la classique codification par méridiens mais dans leur distribution métamère par métamère.

Nous découvrons alors une correspondance neurologique systématique entre les points indiqués traditionnellement pour une action viscérale précise et le viscère associé au ganglion spinal commun. L'acupuncture devient de ce fait un "arc réflexe cutanéo-viscéral" parfaitement démontrable, qui permet d'augmenter ou de diminuer le métabolisme d'un viscère par l'action d'une vasodilatation ou d'une vasoconstriction réflexe.

Nous y trouvons aussi des points codifiés pour des actions sur le comportement, ce qui laisse à penser qu'à un trouble viscéral correspond un trouble comportemental (l'entité viscérale est bien connue des acupuncteurs).

Cette étude, qui apporte la justification neurophysiologique de l'acupuncture et de l'ostéopathie, m'a demandé cinq ans de travail, elle vient d'être déposée à la Bibliothèque Nationale de Paris (où elle sera consultable et ma propriété intellectuelle protégée) en attendant d'être éditée (depuis, mon livre a été édité).

Ceci est parfaitement logique si l'on se réfère à la conception du "Moi" donnée par Antonio R. Damasio et aux émotions corporelles inconscientes qui régissent les réactions comportementales affectives (Vous n°25).

A ce propos, Wilhelm Reich était-il un visionnaire ?

  • "Nous entravons la libre circulation de notre énergie à travers la totalité de notre corps en créant des "cuirasses" musculaires, des zones rigides, mortes qui nous encerclent, tels des anneaux, à différentes hauteurs du corps. Pour nous défendre contre l'angoisse ainsi que contre le plaisir, contre toute sensation, nous bloquons la circulation de notre énergie ..." (L'analyse caractérielle. Payot 1971)

Mise à part la notion de circulation d'énergie à laquelle je n'adhère pas, préférant la notion de transmission d'informations, cette vision revue dans le sens somatopsychique est en accord avec mes observations.

Finalement tout est dans tout, la tradition acupuncturale va nous permettre de comprendre des mécanismes non encore élucidés mais sa propre compréhension doit d'abord passer par son analyse effectuée sur la base des connaissances neurophysiologiques du système nerveux périphérique, du système central, des mécanismes comportementaux et immunitaires.